Le projet de loi de finances rouvre le débat sur les biocarburants
Le projet de loi de finances pour 2026 rouvre le débat sur les biocarburants B100 et E85, soutenus par une niche fiscale pour encourager leur production dans le cadre de la transition écologique, mais dont l’intérêt environnemental a été récemment remis en question par plusieurs rapports.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Plusieurs rapports et études scientifiques ont récemment remis en question l’efficacité réelle des biocarburants B100 et E85 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, relançant les discussions sur l’opportunité de maintenir leur avantage fiscal. Le gouvernement a proposé de supprimer les avantages fiscaux accordés à ces deux biocarburants, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Mais après un vote des députés massivement contre au début de novembre, le Sénat vient également de rejeter cette proposition gouvernementale.
Le vote des sénateurs a immédiatement été salué par la filière française du bioéthanol le 30 novembre 2025. « Les parlementaires confirment la place de l’E85 comme carburant du pouvoir d’achat », indique la filière du bioéthanol, tout en précisant que « le maintien du cadre fiscal actuel demeure essentiel pour poursuivre la décarbonation des mobilités ».
B100 et E85, de quoi parle-t-on ?
Le B100 et l’E85 appartiennent à la catégorie de biocarburants dits de « première génération », produits à partir de grandes cultures comme le colza ou la betterave.
Le B100 est composé à 100 % de biodiesel obtenu par un procédé chimique de transestérification d’huile végétale. En France, 77 % de la production de biodiesels provient de l’huile de colza, selon FranceAgriMer. D’après une note du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) consultée par l’AFP, environ 20 000 camions roulent au B100 en France, pour une consommation de 360 000 m3 en 2024.
Le superéthanol E85, quant à lui, est un carburant essence contenant entre 65 et 85 % d’éthanol. Produit à partir de betterave, de maïs et de blé, il résulte de la fermentation du sucre avant d’être mélangé à l’essence.
Quel niveau de production en France ?
La France est le premier producteur européen de bioéthanol et le deuxième de biodiesel. Six groupes industriels concentrent l’essentiel de la production : Saipol du groupe Avril détient 70 % du marché du biodiesel, tandis que Cristal Union, Tereos et Vestex Bioénergie assurent 80 % de la production de bioéthanol.
Près de 3 % de la surface agricole utile française est consacrée aux biocarburants, soit un million d’hectares, dont plus de 80 % dédiés au biodiesel. Selon la note du SGPE, il faut entre 20 et 30 hectares de cultures pour alimenter un seul poids lourd roulant au B100. Un rapport de la Cour des comptes publié en 2021 relevait que la production de biodiesel mobilise plus des trois-quarts de la production nationale de colza, au risque d’entrer en concurrence avec les usages alimentaires.
Pour contenir cette pression, l’Union européenne a plafonné en 2015 à 7 % la part des biocarburants de première génération dans la consommation énergétique. L’objectif, limiter les « changements indirects d’affectation des sols », c’est-à-dire l’extension de l’agriculture sur de nouvelles terres au détriment de forêts ou de zones naturelles, entraînant la libération du CO2 stocké dans les sols.
L’intérêt environnemental contesté
À leur lancement, les biocarburants de première génération étaient présentés comme capables de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 50 à 70 % par rapport aux carburants fossiles selon une analyse commandée en 2010 par le ministère de l’Écologie. Mais en 2023, la Cour des comptes européenne a indiqué que l’usage des biocarburants « ne permet pas nécessairement de réduire les émissions de GES » et que ces réductions « sont souvent surestimées », faute d’intégrer des changements d’affectation des sols. Et suite à une étude interministérielle réalisée en 2025, le SGPE déclare que le B100 « ne présente aucun gain d’émission en termes de polluants de l’air » par rapport au diesel.
Le syndicat Esterifrance a cependant alerté les pouvoirs publics du côté « partial et déconnecté des réalités du terrain » de ce document interministériel visant à orienter les choix en matière d’alternatives au diesel. Esterifrance assure dans un communiqué que « les biocarburants agricoles français ne se limitent pas à une contribution climatique : ils sont un pilier de résilience économique, de sécurité alimentaire et de préservation de la souveraineté nationale ». À ce jour, le biocarburant B100 représente bien selon le syndicat « la première alternative décarbonée au gazole fossile pour le transport lourd ».
« Le niveau d’émission de GES dépend beaucoup du type de culture utilisée », analyse Simon Suzan, de l’ONG Transport et Environnement. Les huiles de palme et de soja, à fort risque de changements d’affectation des sols, ont pour cela été exclues de la production de biodiesel dans plusieurs pays européens, dont la France.
La Fop défend le biocarburant issu de colza (14/10/2025)
Des progrès
Entre 2010 et 2020, la France a réduit de 4,6 % les émissions de gaz à effet de serre liées aux carburants routiers, mais ces gains tombent à 1,6 % en tenant compte des changements indirects d’affectation des sols, selon l’Agence européenne de l’environnement.
L’Union européenne promeut désormais les biocarburants de « deuxième génération », issus de résidus agricoles ou de déchets alimentaires et forestiers, capable de réduire de 80 à 90 % les émissions selon l’institut de recherche Ifpen. En France, ils représentent déjà 22 % des biodiesels et 31 % des bioéthanols consommés en 2024, mais leur production reste encore trop limitée pour remplacer les filières conventionnelles. Une « troisième génération », produite à partir de micro-organismes est également en phase de développement.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :